Arrêtée définitivement depuis 40 ans, la centrale nucléaire de Brennilis fait désormais partie des activités de développement de Graphitech. En effet, cette dernière constitue un projet de démantèlement unique du fait de son modérateur : le seul exemplaire de la filière eau lourde en France. Située à l'Est de Brest, dans le Finistère, la centrale est restée en service durant près de 18 ans, produisant l’équivalent de la consommation électrique d’une ville de 385 000 habitants.
Elle a finalement été mise à l’arrêt en 1985 au profit d’une technologie plus stable, plus industrielle et plus rentable : le réacteur à eau pressurisée que l’on connaît.
Après l’obtention du décret en septembre 2023, les opérations de démantèlement ont officiellement débuté en décembre dernier lorsque le décret est entré en vigueur. La première phase aura pour objectif de libérer de l’espace afin de permettre l’intervention de robots dans le bloc réacteur, la partie la plus sensible du cœur énergétique.
C’est à travers ce défi complexe que Graphitech prend part aux opérations, pour concevoir un système capable d’intervenir dans une zone sensible et de permettre l’extraction des tubes de force de la cuve de Brennilis. Nommé ARTUR, inspiré par le nom d’un roi d’une célèbre légende bretonne, ce dernier interviendra lors de la 4ème phase du démantèlement du réacteur EL4, prévue d’ici 2030. Il fait suite au projet Fetch, conjointement réalisé par EDF-DP2D, l’IRT Jules Verne et Graphitech qui visait à initier la conception de l’architecture d’un robot semi-autonome pour le démantèlement des tubes de forces.
Rendu 3D du bras robotisé “Artur”
Dans le cas de Brennilis, ce système robotisé aura pour mission de dégager les 216 tubes transversaux situés dans la cuve, qui servaient d’emplacement pour le combustible. Il synchronisera un outil de découpe laser et une pince afin de procéder au retrait au cas par cas, réduisant ainsi les risques d’erreurs.
ARTUR est semi-autonome, ce qui permet une intervention semi-automatisée tout en maintenant un certain niveau de précision grâce à des caméras conçues pour une vérification de la position et valider les étapes de l’opération. Grâce à un porteur, le robot pourra alors extraire ces tubes de force désolidarisés jusqu’à une zone de dépôt. Pilote technique sur ce projet, Laurent Cluzel explique l’importance qu’a eue Graphitech dans le développement industriel de ce dernier.
"Le gros apport que l'on a eu, c'est d'avoir proposé une stratégie de découpe pour les fonds de cuve avec des profils carrés, en deux temps. D'abord les premiers cotés grâce aux mouvements du bras robot puis le tube va être maintenu avant que le dernier côté soit coupé par un mouvement intégré à l'effecteur."
L’une des grandes contraintes du projet, à laquelle a dû faire face Graphitech, est l’espace restreint de part et d’autre de la cuve du réacteur. En effet, les couloirs mesurent 140 cm de large tandis que les tubes de force, une fois scindés en deux, font 160,5 cm de long. On parle bien ici d’un réel défi technique, surmonté par les équipes.
"On tient compte de l’état des lieux prévu au début de notre phase C4 et par simulation numérique, on va vérifier que les mouvements du robot permettent de réaliser les trajectoires."
"La très grosse contrainte, c’est l’encombrement disponible pour sortir ces tubes, l’autre point important était la maitrise de la découpe laser."
Le second obstacle du projet concerne la découpe de l’inox qui exigeait une adaptation de l’outil de découpe au passage disponible, de 30mm de large. Le point focal du laser devant se concentrer au plus proche de la matière, Graphitech a dû mettre au point un outil sur-mesure pour réaliser ces opérations.
"Sur la découpe, on a été obligé de développer avec un partenaire, une tête de découpe laser ultra spécifique car, à date, il n’y avait pas de système capable de le faire."
C’est donc dans ce cadre qu’une tête de découpe innovante a vu le jour, permettant d’accéder au fond de cuve qui maintient les tubes. Cette dernière a pu être conçue grâce à des tests sur une maquette réaliste qui représente les contraintes dimensionnelles du passage.
Pour la suite, les premiers essais auront lieu durant une campagne en début d’année 2026. Elle permettra notamment de vérifier la fonctionnalité de découpe et de prévention une fois la phase d’intégration terminée.
"Une phase qui nous valide la découpe et ses trajectoires, et une autre où on ne fera pas de découpe mais qui aura toute l’amplitude en hauteur et les obstacles."
Une 2e campagne d’essais contribuera aussi à mettre en pratique la procédure, valider la documentation et former les équipes. Cette phase apparaît comme indispensable pour bien appréhender le déroulement des opérations, évitant dysfonctionnements et risques potentiels.
"Si on parle de dérisquage, après les simulations numériques, des essais physiques vont être réalisés début 2026, sur des maquettes, permettant de définitivement valider la faisabilité."
Le déploiement du robot ARTUR est prévu pour 2030 et devrait compter 5 mois d’opérations comprenant son installation et son repli. Ce sont ces quelques mois qui concluront de nombreuses années de développement chez Graphitech, mobilisant nos équipes, afin de trouver la meilleure solution, la plus efficace et la plus sécurisée. Il s’agit d’un réel défi technique tant en raison de la complexité de la disposition de la cuve du réacteur de Brennilis que des solutions techniques nécessaires à l’aboutissement du projet.
Rédigé par Louis MANSART avec l'appui de Laurent CLUZEL et de Soulaimane EL BARKANI